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http://voiliercarriacou.free.fr/data/fr-articles.xml Mon carnet de bord, par Nico (2011) Je dois rejoindre bateau et capitaine au Timeout Boatyard, Sandy Ground, Marigot, StMarteen, West Indies. Rien que l’adresse est déjà une évasion. Ca vient à point après les tracas des formalités pour les photos, le formulaire électronique, le rendez-vous à l’ambassade, l’enveloppe prépayée, le mandat poste… et j’en passe. Qui veut aborder les USA par la mer doit s’y prendre six mois à l’avance. Après ça, les billets d’avions sont une plaisanterie. Surtout que j’ai un secrétariat personnel qui fait ça très bien ! 9 avril 2011, me voilà parti pour ma première transat à tout vitesse et à dix mille mètres d’altitude, mais il y a quand même 6500km à faire. Moins 55° dehors : restons au chaud ! Je note dans mon petit carnet mes impressions . Hemingway n’a qu’à bien se tenir, j’arrive. Au décollage, j’ai le temps de reconnaître Ablon (mais pas Villeneuve-le-Roi, étant du mauvais côté), puis l’étang de St-Quentin. Peu après, un grand estuaire suivie d’une côte sablonneuse, rarement échancrée… heu, la Loire ? nous volons parallèlement au rivage, ce qui ne serait pas logique si c’est bien l’Atlantique (nord/sud) ; d’ailleurs je ne reconnais pas la Baule… bizarre ; voilà que la côte tourne franchement à droite et se poursuit par une presqu’ile immense…Waaaa l’autre, hé ! C’était pas la Loire, mais la Seine ! Et ta prequ’île c’est le Cotentin, avec le havre de Lessay juste en dessous ! Donc maintenant on va voir les anglo-normandes… gagné ! Et puis après plus rien, du bleu, pendant des heures et des heures. Pfft, seulement deux milles bornes depuis le départ. Encore 4500… ça avance pas. Sur mon petit écran video perso, je visionne successivement Angèle (un drame socio-péchou à Port-en-Bessin), Secretariat (un drame americano-hippique) et des bouts d’Harry Potter. Sur le moniteur, les chiffres du vol bougent lentement : Alt 11361m Temp ext –63°C Distance au but 3500 Vitt 746km/h (seulement ? ben oui, il y a un vents de 115km/h de face). Je vous passe les détails. L’avion atterrit à 22h30 mais en local, c’est l’après-midi, six plus tôt. Station balnéaire, montagnes vertes et touffues. Sortie, moiteur, chaleur. Un énorme taxi 8 places me fait faire le tour du lagon. Nids de poules et boutiques aux planches colorées. Poussière. Mon chauffeur noir et anglophone peste contre les étrangers qui viennent chercher dans ces poussières d’Union Européenne une vie meilleure à base d’allocations. Il m’apprend aussi que l’eau douce est rare, la montagne deserte. On ne vit que sur la côte. Trouvé assez facilement le chantier grâce aux indications de Fab. Pas fait 10 mètres avec mes sacs qu’il me rattrape chargé lui aussi des vivres qu’il ramène de la supérette d’à coté. Le temps d’aller au bateau et on retourne deux fois compléter l’avitaillement, payé en dollars. Enormément d’importations françaises dans les rayons (marque Belle France). Fruits et légumes, boissons, pain, biscuits. Pas facile d’estimer les quantités. De quoi aurons-nous envie dans huit jours ? Je laisse faire Fabrice et on privilégie l’apect fonctionnel de la nourriture. 18h00 il fait quasi-nuit. L’ensemble du bateau, dessus et dedans ressemble à un gros foutoir où se cotoient des outils, des aliments, du matériel de navigation, des fringues, des pots et tubes divers... je nous vois mal partir à l’aube. Le chantier Timeout tient du terrain vague et de la communauté de clochards des mers, agrémenté de quelques cabanes et palmiers. Pourtant, il s’y est trouvé assez de compétences. A en croire Fabrice, on est quasi-prêts. C’est vrai qu’il y a trois jours à peine, le bateau était à terre, dématé… il est maintenant à l’eau, antifouling refait, mâté, avec ses voiles à poste ; le désordre ambiant n’est que la poussière qui retombe après une bataille de titans. A la réflexion, quand on connaît un peu ce qu’est un bateau de croisière, avec la quantité invraisemblable de trucs qui peuvent coincer, se boucher ou refuser tout implement de fonctionner sans raison, l’épreuve a du être rude. D’ailleurs le capitaine est tout rouge de trois jours de soleils et d’efforts ininterrompus. Personnellement, je n’aurai, avant le départ, que le vague souci de vider mon sac et d’aller chercher des énormes sandwiches délicieux chez le pizzaiolo après le pont. Cette course sera mon seul aperçu de près des Antilles. Bruits de moteurs, reggae, monde dehors tard, lampes illuminant des palabres au seuil de maisons bricolées, jeunes en scooters… pas si loin des cités du 94 finalement. 10 avril ; réveil à 6h pour un départ effectif à 8h. Une darse, quatre amarre larguées, un pont mobile… nous mettons à peine l’étrave dans l’eau libre qu’un fort grincement monte du moteur ; point mort ; un bout dans l’hélice, un problème mécanique grave ? A quelques dizaine de mètres de la côtes, avec le vent dans le nez, il faut réagir vite ; hisser les voiles ? il y a plus simple ; Fab hèle un cata sorti derrière nous ; au prix d’une rayure (car son capitaine manœuvre seul et s’est appuyé un peu sur notre ancre) nous voilà en remorque ; je ne me souviens pas de son nom ni de sa nationalité ; en tout cas, nous discutons rapidement en français et il nous emmène un peu plus au large ; nous hissons nos voiles tandis que la cata se dirige vers la zone de mouillage à la sortie du port ; relancer le moteur, revenir à la marina ? et puis quoi ? le vent est favorable et la calendrier serré (comme dans toutes les mauvaises histoires de mer) ; nous mettons le cap au large pour dépasser la pointe de l’île puis prenons notre route vers la Floride, avec une grosse incertitude sur notre moteur désormais. A dieu vat. Le téléphone portable passe encore. Coup de fil aux filles et ciao St-Martin. Ce dimanche sera malgré tout une belle journée. Nos petits patchs collés derrière l’oreille sont peut-être efficaces ; en tout cas, nous ne serons pas malades ni l’un ni l’autre, à peine nauséeux pour moi et sans suite. Nous marchons au vent de travers, toute la journée et toute la nuit, avec un peu de houle et un vent de 15 nœuds. Les deux litres de citronnade encaisse le plus gros de notre soif. Quel bonheur ce frigo à bord. Restons sous le vent d’Anguilla, puis longeons dans la nuit l’île d’Anegada dont nous verrons les lumières à l’horizon. Le rythme des quarts de nuit se met en place. Après un dîner de bonne heure, je vais me coucher, en pyjama s’il vous plait ; la nuit est douce et un drap suffit. Je fait le quart suivant de 23H à 2h du matin. La veste de quart que Joëlle a laissé à bord est la bienvenue. Suivant les nuits, je mettrai parfois le bas du ciré aussi pour ne pas me refroidir mais il n’y aurai jamais de grains ni de pluie. Le teck du cockpit reste bien sec. Gilet et sangle pour ne pas tomber à l’eau pendant le sommeil du capitaine. Minuteur réglé à 20mn, pour faire un tour de d’horizon, vérifier le cap… bien souvent je me couche sur le banc du cockpit avec un coussin sous la tête et m’endort, avec le minuteur à coté de l’oreille. Nous avons calculé qu’avec notre visibilité au ras de l’eau, nous avons autour de nous un cercle d’eau libre d’environ 10 milles nautiques de rayon ; il faudrait donc environ 20mn à un cargo encore sous l’horizon pour venir jusqu’à nous ; mais Carriacou est équipé d’un radar et d’un récepteur AIS qui « voit » les navires bien avant nous ; nous aurons de temps en temps des alarmes dans le carré du bateau avant de rien voir ; surtout le jour ; la nuit, les feux se voient mieux. Je descend aussi régulièrement à la table de navigation voir la position du bateau sur la carte Maxsea de l’ordinateur, et comparer la trajectoire prévue par le logiciel de routage avec celle effectuée . Je remonte dans le cockpit ; chic, je suis juste de la bonne taille pour poser mon nez sur l’arceau de la capote pouvoir regarder vers l’avant du bateau. Rien à l’horizon. Je me recouche pour 20mn. Lundi 11 avril 2e jour de mer J’ai enchainé avec le quart de 5h et 8h du matin, en ayant pu dormir un peu entre chaque. C’est un quart facile, avec le lever du soleil et le petit dèj à suivre : café soluble, tartines beurre confiture, yaourt céréales, jus de fruits… Fab trouve un minuscule poisson volant sur le pont ; c’est le seul que je verrai de près d’ailleurs. Dans la journée, je parle à Claire au téléphone satellite. Cuisine : Fab tient à rester le moins possible en bas et je suis d’accord ; donc on cuisine une seule fois avec la cocotte, c’est chaud le midi et froid le soir ; vaisselle en vrac dans l’évier ; je me charge de la faire à l’eau de mer le matin avant le petit dèj ; tout les repas sont servis dans des bols, et mangés à la cuillère ; la saucisse de Mur-de-Barrez vient étayer les premiers apéros au Ti’punch. Sieste en journée et inversion des quarts pour la nuit. Aussitôt le riz poulet froid avalé, la nuit est là et Fab descend se coucher. Je veille de 8h à 11h (facile), puis dodo, puis quart de 2h à 5h (c’est le quart le plus dur je trouve). La houle reste modéré (je dirai 1m à 1,50m) avec un vent apparent entre 8 et 18 nœuds. Nous aurons toujours du mal à évaluer le vent réel, en force et direction : Fab n’a pas eu le temps de réinstaller le loch, du coup, la centrale de navigation ne nous donne que le vent apparent ; pour la vitesse, nous aurons le SOG (speed on ground) donné par le gps. Mardi 12 avril Nous tenons une moyenne de 117,5 milles nautiques par jour. Le bateau se débrouille tout seul. Nous ne touchons pas aux écoutes, et c’est le régulateur d’allure qui barre (très bien) le bateau : en cas d’embardée du bateau, une girouette réagit et provoque le mouvement d’une longe pale de bois immergée à l’arrière du bateau, laquelle agit sur a barre par deux bouts. Même sous spi, ça marche très bien. Je vois mon premier poisson volant en vol, sur pas loin de 100m il me semble, au ras des vagues. Plus tard, j’en verrai quelques autres effectuer des virage à 90° en plein vol. Confiture de tamarin, confiture de bananes, on alterne les plaisirs. Je préfère banane quand même. Je me demande si j’ai pas fait mon café à l’eau de mer… imbuvable !? Aujourd’hui : douche ! Fab installa un bout en boucle à l’arrière du bateau, équipé d’un flotteur ; on déplie l’échelle de bain, et on hop, on se laisse traîner par le bateau, accroché au dernier barreau, sous la surveillance de celui resté à bord. Tout nu évidemment, car la vitesse t’a vite arraché ton slip. C’est là qu’il faut garder son sang-froid et ne pas lâcher le bateau pour récupérer son slip… le con. Ensuite douchette d’eau douce sur la jupe arrière, youpi. Mais les vêtements sentent peu en fait, on ne doit pas spécialement transpirer. Les petits concombres de St-Martin supportent très bien le voyage dans leur filet. Par contre les carottes sont moisies et passent à l’eau. Allez : concombre tabasco, poulet lentilles et Rhum. Je crois voir un thon poursuivre un poisson volant !? Depuis que nous avons quitté la terre de vue, nous naviguons sur un grand rond bleu qui se déplace en même temps que nous : on a beau faire de la route, le paysage ne change pas. C’est bleu et vide. Le bateau tranche la-dedans heure après heure. Il fait toujours très beau. Allons, encore un rhum. Ne croulant pas sous les manœuvres, le cockpit, à l’ombre du bimini, se transforme en salle de lecture pénitentiaire (nous sommes toujours sanglés dans notre gilet automatique et attachés au bateau). Je termine Les Hommes de Bonne Volonté, de Jules Romains, puis un épisode de l’aliéniste, puis je commence Dan Brown que Fab m’a donné en fichier audio, mais je le garde finalement pour les siestes. Allongé dans la cabine, hublot ouvert, il fait plus chaud que dehors, mais on entend plein de bruits et surtout l’eau qui glisse tout près sur la coque, derrière la cloison. La nuit, entendant de nombreux chocs, grincements, déplacements, frottements, cliquetis de toutes sortes, je serai souvent surpris du calme qui règne sur le pont. Mercredi 13 avril Nuit calme. Un cargo s’est dérouté pour passer derrière nous. Pas toujours facile à identifier. Nous avons croisé des convois : remorqueur plus barge, de loin on dirait un immeuble couché qui flotte… Nous voici à la hauteur de la république dominicaine, mais trop au large (40 milles) pour rien voir. Marchons sous génois tangonné au vent, après avoir abattu pour suivre le vent, presque vent arrière maintenant. La moyenne de 120 milles par jour tient toujours, ce qui fait 5 nœuds de moyenne ; Carriacou est lourd et dans un vent de 15 nœuds, on dépasse rarement 6n. Sur mer calme, le spi nous tire à 4.5n. Laissé message à la maison par l’Iridium satellite. Premier passage du ri-boudin antillais qui deviendra célèbre à bord. Jeudi 14 avril Nuit calme sous génois tangonné. Vu des éclaires loin dans le sud ; sommes maintenant au large des îles Turk et Caïcos. Ce matin, bricolage dans le puits de dérive. Au portant, nous remontons la dérive et elle se met à battre dans son puits ; C’est stressant la nuit. Fab ouvre le puits et démonte les cales en plastique qu’il a trop rabotées sous-prétexte que ça coinçait ; en les inversant peut-être ? une cale refuse de rentrer à sa place ; on force ; c’est pas bon non plus ; mais elle ne veut plus sortir ; nous voilà à muler à deux dessus, han ! Pour finir, tout le monde revient à sa place. Bilan nul : la dérive tape toujours. Grrrrr ! Les fichiers reçus par satellite prévoit une météo belle. Mer toujours tranquille. Bientôt 500 milles au compteur. Avons croisé un super-yacht à moteur et deux gros porte-conteneurs. Je me rase dans le cockpit, pas dans les toilettes dont je parlerai plus loin, avec un bol d’eau douce et un bout de miroir. Un petit héron blanc, casquette jaune, l’air ahuri, est venu se poser sur le bateau. Après s’être cassé la figure deux ou trois fois sur les panneaux solaires à l’arrière du bateau, il s’est installé à l’étrave et en a profité pour tout salir. Il cherchait juste des toilettes quoi. Moi aussi je salis tout, et pourtant je m’applique. Mais cette maudite pompe marche à l’envers : ça crée une surpression dans la cuvette et soit tout te saute à la figure pendant que tu pompes, soit tu repeins façon mouchetis toute la pièce sous l’œil goguenard du capitaine : « la prochaine fois, appelle-moi quand tu as fini ! » Ben voyons. Quelques bandes de poissons volants fonçants au ras des vagues, mais ils sont loins et on ne distingue que quelques traits lumineux. On garde le spi jusqu’au soir ; avec la chaussette, c’est vite envoyé et vite rentré. Jusqu’à 20 nœuds de vent. Vendredi 15 avril, 6e jour de mer 600 milles nautiques ; quatre mouettes à longues queues fines sont venues tourner au-dessus de nous, à 40 milles de la première terre ; le petit héron blanc est parti ; vent apparent de 7 à 12 nœuds ; houle faible ; beau temps. On renvoie le spi puis le vent refuse et on repart au bon plein sous génois. Gastronomie du bord : ce soir, 6e et dernier repas de riz boudin creole ; les vivres frais se raréfient dans le frigo ; (à dire très vite, c’est plus drôle). Petite baignade du soir. Demain, on attaque la banane plantain et les Bahamas. On passe en dedans, avec du courant qu’on soupçonne contraire et des cargos, ou en dehors, ce qui est un peu plus long ? par ailleurs, les prévis météo nous font craindre des calmes et nous ne comptons pas sur le moteur. Sur la carte, les noms évocateurs se succèdent : Great Bank, Windward Passage, Eleuthera, Nassau, Great Abaco Island… Comme le bateau se barre très bien tout seul, merci au régulateur d’allure, nous nous forçons à faire des siestes l’après-midi, car les nuits sont quand même éprouvantes. En fait, je dors pas trop je crois. Merci tout le monde et Mathilde pour le balladeur. Ma cabine est très mal rangée, on ne peut pas allez au hublot sans piétiner les vêtements par terre, tralala… Téléphoné à Claire à Toulouse, qui fait des crèpes avec Banou. Le concert de Mathilde à lieu ce soir. Je doute qu’on le reçoive sur la radio du bord.
Nos amis nous déposent au centre commercial où Fab a réservé une voiture de loc. Shopping
Date de création : 17/05/2015 20:05
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